On se demandait comment allait arriver la prochaine crise systémique… Bulle spéculative, crise énergétique, crise climatique… le vainqueur cette fois-ci s’appelle Coronavirus ! Ce virus, heureusement assez peu létal, surfe sur notre système mondialisé pour se propager sur toute la planète et mettre à mal les fondements de notre modèle d’organisation socio-économique. Et comme à chaque fois au cœur de la crise se pose la sempiternelle question :
Le citoyen lambda doit-il stocker ?
Par « stocker », j’entends l’idée pour un foyer de constituer 3 à 4 semaines de stock de provisions et produits de première nécessité afin de pouvoir vivre relativement sereinement en situation de confinement pendant cette période.
Or à chaque période de crise, et celle que nous vivons ne fait pas exception, se tient la querelle – non pas des anciens et des modernes – mais plutôt celle des optimistes et des pessimistes, ou plutôt celle des croyants et des prudents : bref vous l’avez compris le désaccord de ceux qui pensent qu’il s’agit là d’une ânerie qui au contraire ne fait que renforcer le sentiment de panique dans la population et de ceux qui pensent que stocker est un réflexe tout à fait responsable.
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Si je m’efforcerai d’être objectif, je ne serai pas neutre, car je fais partie des pessimistes non-croyants dans le système et sa résilience plutôt très assumés. Je vais donc essayer de vous démontrer pourquoi l’idée de stock est loin d’être bête, ce qu’on peut en attendre, et quelques idées pour savoir comment s’y prendre ?
Est-ce idiot de stocker ?
Pour répondre à cette question, il faut en poser une autre :
Avez-vous confiance dans la résilience de notre système économique ?
Cela dépend donc de deux notions : la résilience, et la confiance.
Pour rappel, la résilience, c’est la capacité d’une organisation à faire face aux chocs extérieurs pour continuer à opérer. Et cela s’applique à tout type d’organisation : une famille, une entreprise, une armée, une société, un Etat. Et cela dépend de critères objectifs.
Ensuite, c’est un critère de jugement : la confiance – ce que vous fait penser votre observation de la résilience potentielle de l’Etat et du modèle économique dans lequel nous vivons.
Or la question du stock, ou des réserves, est intimement liée à celle de la résilience, car en principe, ce qui nous permet d’opérer normalement alors que tout s’arrête, c’est justement nos réserves. Il n’y a donc rien en soi d’irrationnel à stocker à partir du moment où notre confiance dans le système en place est insuffisante. Au contraire, c’est même un acte largement responsable et rationnel.
Notre système est-il résilient ?
Donc on stocke parce qu’on n’a pas confiance. Mais OBJECTIVEMENT, a-t-on des raisons de ne pas avoir confiance ? Et là, sans fioritures, je vous réponds OUI. Je ne vois aucun élément rassurant sur la résilience de notre système dans toutes les informations que je reçois. Au contraire, je m’inquiète beaucoup de la capacité de toutes les institutions à faire face aux chocs, au point d’être très convaincu que les supermarchés puissent être vides ou fermés en l’espace de quelques jours. En voici les raisons :
- L’approvisionnement d’un supermarché, c’est tout une chaîne logistique assez complexe (fournisseurs, transport, achats, réceptions, mises en rayon etc.). Il suffit qu’un maillon de cette chaîne faillisse et c’est nos supermarchés qui sont en rupture. Et plusieurs de ces maillons sont mêmes hors de notre contrôle, au premier lieu desquels les fournisseurs : un exemple très simple, avec l’Italie en quarantaine, est-ce que Panzani assure ses approvisionnements ? Pas sûr ! (c’est un exemple, je n’ai pas vérifié si Panzani livrait effectivement d’Italie) Et tous nos fournisseurs de riz venant d’Asie ? Et les fournisseurs de nos fournisseurs ? Avec des chaînes d’approvisionnements aussi complexes que celles qui ont été mises en place dans un cadre mondialisé, je doute très fortement que l’ampleur de la crise de Corona n’en affecte pas certains maillons, avec à la clé des ruptures certaines en magasin.
- La règle d’or aujourd’hui en matière d’approvisionnements, c’est le flux tendu. Pourquoi ? Parce que le flux tendu, c’est l’efficacité. Le stock, c’est coûteux par définition. Or nos amis de la grande distribution ont en réalité deux métiers : celui d’acheteur (on sait comment ils négocient avec leurs fournisseurs), et celui de logisticien. Et en tant que logisticiens, ils savent optimiser leurs approvisionnements pour avoir le moins d’argent possible immobilisé dans les stocks. C’est même là la clé de la pérennité de leur modèle économique. Or l’efficacité, et donc le flux tendu, c’est l’antithèse même de la résilience, pour une raison simple : les règles de réapprovisionnements sont calculées pour être les plus linéaires possibles selon des algorithmes qui prennent en compte tout un tas de facteur, sauf un : le risque systémique, et donc le cas où tout le monde achète des pâtes. Donc si quelques % de gens décident de stocker des pâtes, il n’y en a plus pour les autres et cela prendra des semaines voire des mois pour rééquilibrer les approvisionnements auprès de fournisseurs qui ont eux-mêmes prévu leur production ou leurs propres approvisionnements sur les ventes prévues en aval. Bref, au moindre choc brutal, et c’est la rupture assurée.
- Petit zoom sur le transport. Les supermarchés sont dépendants des camions, qui eux-mêmes sont dépendants des approvisionnements d’essence. Or en France il y a seulement une poignée de raffineries, où la CGT est très présente (ce n’est pas une critique, juste un fait, et ce qui suit est déjà arrivé). Imaginons que la crise de Corona s’aggrave et que le personnel CGT exerce son droit de retrait. Dans ce cas, plus d’essence, donc plus de camions, donc rupture de nos supermarchés. Et si vous avez lu le point 2, vous saurez qu’en l’espace de 2 ou 3 jours les supermarchés seront vides.
Voilà donc les raisons qui me font penser que le système général d’approvisonnement est peu résilient. On aurait pu sans tenir à l’idée de bon sens selon laquelle plus un système est complexe et moins il est résilient pour s’en convaincre, mais au moins on est entré dans le concret.
Donc là vous vous dites du coup qu’en cas de crise majeure l’état mobilisera l’armée et tout ça et que cela aidera à maintenir l’ordre etc. Là encore un peu de matière à réflexion :
Depuis des dizaines d’années maintenant l’armée est sans arrêt détricotée par les gouvernements successifs qui ont cherché à équilibrer leur budget global sur son dos. Et cela s’est matérialisé par :
- des réductions d’effectifs drastiques (l’armée a environ 100 000 hommes, imaginez si ça suffit pour maintenir l’ordre dans un pays de 60m d’habitants).
- Des externalisations (tous les services annexes tels que la popote ont été confiés à des prestataires externes) – imaginez l’impact sur la résilience de l’institution qui, auparavant, il y a quarante ans, disposait elle-même de tous les services nécessaires à son fonctionnement : l’organisation résiliente par excellence
- Une armée réduite à « son cœur de métier », et dont les missions aujourd’hui (OPEX, sentinelle etc) la rendent déjà « au taquet » selon les termes de son ancien chef d’état major
Et si l’institution détonne encore dans la société par son professionnalisme et son sens du service, les faits nous obligent à être très dubitatif dans la capacité de l’armée à se suppléer aux acteurs économiques en cas de pépin sérieux.
Et enfin, regardez bien notre gouvernement (et les précédents) de près et demandez-vous sérieusement si ces gens-là sauront maintenir le pays à flot en cas de crise sérieuse ? OK c’était un argument facile…
Vous l’avez compris, je n’ai pas confiance. La seule chose qui me retient, c’est la barrière psychologique de penser que les choses pourraient être autrement que ce que j’ai toujours connu : magasins fermés, rationnement, etc. Mais là pour le coup, nous ne sommes pas dans l’argumentation rationnelle. Au contraire, regardez comment même les agglomérations les plus « civilisées » sont peu résilientes : il y a quelques années, lors du passage de l’ouragan Sandy à New York, l’on observait déjà des pillages au bout de deux jours de crise. Le constat a été fait partout : nous sommes dans une société qui a privilégié l’optimalité à la résilience, et nous en paierons le prix à chaque crise.
Le stockage – comment s’y prendre ?
Combien de temps faut-il stocker ? Force est de constater que le stock ne nous sauvera pas durablement; ce n’est une garantie de rien, juste un moyen de remédier partiellement à un risque, celui de l’interruption des approvisionnements des magasins. Soit la société reprend ses droits après la crise, même partiellement, soit de nouveaux modes d’interactions et de solidarités se mettent en place. La raison veut donc que l’on stocke assez pour faire face à une période de crise majeure mais limitée dans le temps. Stocker l’équivalent de quelques semaines de nourriture et de produits de première nécessité est un premier pas responsable sans partir dans une démarche significativement plus « survivaliste ». De notre côté, nous avons opté pour un mois de stock. Cela permet de faire face à une crise limitée dans le temps, sans profondément impacter son porte-monnaie ou nécessiter des investissements conséquents en termes d’infrastructures de stockage.
Niveau contenus à stocker, privilégier les contenus qui se conservent sur le temps long tout en y amenant un maximum de variété : pâtes, riz, féculents en général, légumineuses (sèches), légumes secs, et conserves diverses et variées (notamment légumes) ; la farine vous permettra de vous faire votre pain, mais prendre garde au mode de conservation pour éviter les parasites. Les fruits secs sont parfaits, les fruits en conserve font l’affaire. Ne surtout pas oublier l’eau !
S’assurer aussi que sa pharmacie est au complet, notamment concernant les premiers soins, les antiseptiques, les bandages, pansements et médicaments de base.
Rien de bien sorcier une fois que l’on a défini son horizon de stockage. Il est surtout important de bien faire un inventaire de tout ce que l’on a stocké et des dates de péremption, afin de pouvoir faire tourner ce stock le cas échéant sans que les produits périment. Et de surtout s’assurer d’excellentes conditions de stockage, dans des boîtes / lieux hermétiques, secs, à bonne température et surtout à l’abri des parasites.
Il faut noter aussi que si la question du stock est soulevée à chaque crise, celle de la résilience est constante, peu importe le typede crise qui va se matérialiser. Ainsi, il faut en théorie avoir en permanence assez de stock pour pouvoir faire face à n’importe quelle situation qui met à mal les chaînes d’approvisionnements habituelles. Ainsi, un stock – normalement – doit se constituer progressivement, et doit tourner afin de pouvoir gérer les dates de péremption. Il est important aussi de stocker des produits que l’on aime manger. En combinant la régularité avec des produits de relativement bonne qualité, on peut facilement gérer son stock et le mettre à jour régulièrement.
Le stockage – acte de subversion ?
Le fond du problème est que nous attendons souvent que la crise se matérialise pour envisager de stocker. Et en effet, cela a pour effet d’accentuer la déstabilisation du système. La bonne pratique est donc de constituer progressivement ses stocks en période de calme, afin de faire face aux turbulences sans en accroître les effets et donner ainsi aux institutions et entreprises un maximum de chances de garder le bateau à flot et en état de fonctionnement.
Mais il ne faut pas oublier que l’acte de stocker est la conséquence du manque de résilience face aux crises, et non l’inverse. Dès lors il ne faut pas céder aux injonctions ultra méprisantes de tous ceux qui culpabilisent les gens responsables qui constituent leur stock afin d’assurer leur bien-être et celui de leur famille en période de crise alors que l’Etat en est de fait incapable et prouve de plus en plus tous les jours son incompétence.
Face à la pression médiatique et aux tentatives – maladroites certes mais bien réelles – des représentants de l’Etat de garder un semblant de contrôle en incitant les gens à ne pas changer leurs habitudes (sauf à se laver les mains plus souvent !), stocker apparaît comme un acte éminemment subversif. Rien que cela, c’est peut-être une bonne raison de s’y mettre ?
Il faut garder en tête que l’idée même de stock ouvre la voie de l’autonomie, celle de la solidarité locale. En stockant, je peux aussi rendre service à mes voisins immédiats qui me le rendront d’une manière ou d’une autre. Il permet in fine, et en cas de crise durable, une redéfinition du lien social, notamment local, qui nous unit les uns aux autres – et au fond, c’est vers cela que nous devons tendre.
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David
Bonjour,
Bizarrement j’arrive à la même conclusion, mais avec une logique totalement différente.
Déjà pour revenir dans le contexte COVID, se ruer vers les magasins dés l’annonce du confinement est une crétinerie sans nom.
Soit vous avez des stocks et êtes prévoyants, soit vous assumez de ne pas avoir de stock et vous subissez.
Ensuite, pour moi il est indispensable de stocker.
Mais la 1ère priorité à stocker, c’est l’eau potable.
Bien avant tout le reste.
A minima, il faut pour vivre 2 litres par jour et par personne. Juste prévoir 1 semaine de stock, il faudrait 60 litres minimum (c’est à dire sans douche et avec toilette sèche)
Oui, y a de l’eau au robinet, mais pendant les inondations il y a 2/3 ans, combien de commune ont vu l’eau sortir de son lit et submerger la station d’épuration, polluant ainsi l’eau pompé ultérieurement pour plusieurs semaines/mois. Sans compter qu’un glissement de terrain du à de forte pluie peut détruire les canalisations d’eau potable.
Après, même sans parler de la fin du monde, une catastrophe locale, par exemple tempête de neige, vous pourrez avoir 1 millions de personnes chargés de dégager la neige, ça ne changera pas grand chose.
Pareil pour une grosse tempête qui touche toute la France, il n’y aura pas assez de bras pour gérer tout d’un coup.
Et je parle pas de catastrophe hollywoodienne, mais de chose qui arrive régulièrement.
Donc même avec suffisamment de service public, de stock dans les magasins, la route de chez vous au magasin ne peux pas être dégager dans l’heure, surtout si vous êtes en zone rurale reculé, donc vous ne pourrez pas faire vos stocks.
Donc avoir de quoi tenir un peu le temps de débloquer la situation, c’est pas une mauvaise idée.
Bref l’état tiendra, car en cas de crise, la majorité est contente d’avoir l’état pour organiser le bazar.
Mais loin des grands axes, les zones rurales peu peuplé ne représente pas d’enjeu dans le cas d’une crise.